L'éléphant de Nantes

Saint-Jean de Luz

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mercredi 6 mars 2019

Le retour dans les campagnes

Voici une histoire qui ressemble beaucoup à ce que nous avons vu en cours.
"ON NE VOULAIT PAS D'UN VILLAGE SANS ÂME" : DANS LE MORBIHAN, LAURY ET LOÏC ONT RELANCÉ LE DERNIER COMMERCE DE SILFIAC.

La devanture de l\'épicerie-bar La Belle Epoque, le 8 février 2019.

A La Belle Epoque, on trouve de tout : en plus du dépôt de pain, l'établissement dispose d'un rayon fruits et légumes, fournis par Loïc et d'autres producteurs locaux, d'un coin épicerie, d'une vitrine de produits frais, d'un bar-tabac et fait aussi office de dépôt bancaire.

Pourtant, l'an passé, l'ancienne propriétaire de La Belle Epoque (alors baptisée Chez Véro), rongée par des rhumatismes et affaiblie par une chute, a soudainement fermé le bar-épicerie sans avoir trouvé de repreneur. A l'époque, le village accuse le coup : de mémoire collective, le magasin a toujours existé. Pendant des mois, les habitants parcourent une vingtaine de kilomètres aller-retour pour acheter leur baguette à Cléguérec, la commune la plus proche qui dispose encore d'une boulangerie. Loïc et Laury, arrivés de Haute-Savoie huit mois auparavant, se désolent.

 En novembre, un Etablissement public foncier de Bretagne rachète donc le commerce, en attendant que le couple puisse lui-même en devenir propriétaire. Un mois de travaux plus tard (isolation, peinture, parquet, étals créés par Loïc…), le bar-épicerie rouvre. Sur la façade, le prénom de l'ancienne propriétaire a laissé place aux lettres déliées de La Belle Epoque. Un nom "nostalgique" en référence "au temps où il y avait beaucoup de commerces dans le bourg", glisse Laury.

Comme chaque matin depuis une semaine, La Belle Epoque ne désemplit pas ce vendredi. Accoudés au bar face à un café fumant, Corinne et Nigel, un couple de Britanniques installés à Silfiac depuis dix ans, se remémorent les mois qui ont suivi la fermeture de Chez Véro. "On a senti que le village était mort", lâche avec un accent du Yorkshire la quinqua blonde, qui gère avec son mari depuis leur domicile un magazine à destination des parents britanniques. Pour apprendre le français, ils ont pris l'habitude dès leur installation de passer ici quotidiennement. Mais quand Véro a rendu les clés, les habitants "n'avaient plus de lieu où se retrouver". Si les souvenirs de la fermeture du petit commerce sont aussi douloureux, c'est qu'elle fût la dernière étape d'une désertification entamée bien plus tôt.

En lisière de forêt de Quénécan, Silfiac s'est construit au XIXe siècle autour des forges de minerai, du charbonnage et des ardoiseries jusqu'à atteindre 1 800 habitants au tournant des années 1900. Avec la désindustrialisation, la région s'est appauvrie et peu à peu vidée. Dans la deuxième moitié du siècle, la quincaillerie, la cordonnerie puis la boucherie ont été les premières à tirer le rideau. Ces dernières années, la coiffeuse, le relais routiers et le bar-tabac ont à leur tour mis la clé sous la porte.

 La conquête du milieu rural par la grande distribution n'a pas aidé. Dans un rayon de 20 kilomètres autour du bourg, on trouve ainsi pas moins de dix enseignes (Intermarché, Carrefour, Leclerc…). Pour Serge Moëlo, les commerces silfiacois ont par ailleurs été victimes du "manque de confiance dans le commerce local", même quand ils se portaient bien. "Ici, les gens ont intégré une identité négative d'eux-mêmes et de leur territoire. On se dit que le petit commerce du village va forcément fermer, alors on n'y va pas." L'histoire du village n'est pas un cas isolé : entre 1980 et la fin des années 1990, 25% à 30% des petits commerces alimentaires ont disparu des territoires ruraux (PDF).

Retrouvez l'article original ici.

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